dimanche 14 avril 2013

Hadrien

[Il y a des monologues trop longs pour figurer dans des pièces. Ce sont presque des pièces dans la pièce. Alors, j'en laisse un ici. Celui d'Hadrien]




Hadrien

Prenez une cigarette et un verre de coca.
Respirez lentement.
Et puis laissez vos yeux se gonfler.
Ça vous prend à la gorge.
Vous n’avez même pas besoin de vaciller.
Tout se trouve là.
À portée de mains.
C’est en silence que tout se passe.
Sans lumière. Sans souffle.
La nuque rigide et les yeux révulsés.
Vous n’avez rien à craindre de vous-même.
Ce sont les autres le danger.
Ces autres infâmes.
Infirmes de cœur,
Qui vous hurlent dessus.
Vous ne pouvez rien dire contre eux.
Je me suis retrouvé les lèvres cousues,
Comme pour l’Eternité.
Une vague de frisons passant sur mon corps.
En instant, je me suis vu.
J’étais une aurore boréale dans un ciel inconnu.
J’étais comme fait de cette lumière puissante
Je traversais la nuit.
Je ne craignais ni l’hiver ni le froid.
J’étais invincible.
Chaque couleur devenait plus puissante à mesure que j’avançais.
Et puis.
Et puis haletant,
J’ai pris les morsures sur Ibsenstraße.
Je n’ai attendu personne pour devenir ce que je suis.
J’ai pris les portes à prendre
Et j’ai suivi les routes qu’il me fallait.
J’ai eu mes doutes,
Mes instants de brûlures intenses.
Mais chacune de ces cicatrices fait de moi cet éternel.

Un temps. 

Le silence. Avant tout le silence.
Par ce qu’il est grand et qu’il ne ment jamais.
Sans bruit. On s’entend mieux mourir.
Regarde-moi.
Regarde cette folie que je porte comme une bague au doigt.
J’ai chaud.
J’ai tellement chaud



De quoi as -tu peur ?
Viens me battre puisque mes yeux ne sont plus.
Je ne me coucherais devant rien ni personne.
Je ne suis que ce que j’ai pu devenir.
Je n’ai peur de rien.
J’ai la bouche exultante de fierté.
Et chacun de mes pas n’est que l’ombre de ce que j’aurais pu être.
Regarde encore.
N’ais honte de ton impudeur.
Regarde-moi fort.
À en faire explosé la vitre de ma peau bleutée
Vois ce corps de tranchée.
Que rien n’abime.
Que rien ne blesse.
Regarde-moi,
Mon corps de fils barbelés.
Tranchant chacun de mes regards,
Contre autant de tarés.
Regarde ces perles que je porte
Au creux de mes épaules.
Et que j’ai égrainé jusqu’à en avoir la tête qui tourne.
Je me suis élevé à la dure.
Courant contre des murs.
Passer de terrifiants hivers
Où des arbres aux bras aussi nus que les miens
Porte des oiseaux de malheurs.
Tremblant encore à cause de leurs homélies nocturnes.
Et rien n’aurait pu être fait sans moi.
Sans moi.
Sans moi si fort.



Et ces choses qu’on ne veut voir.
Sous nos yeux d’aveugles bourgeois.
Tu n’es plus rien et face à moi,
Tu ne serais rien.
Je suis bien plus grand.
Bien plus fort.
Regarde-moi.
Moi qui suis ton roi.
Ton unique, ton suprême.
Éructant de toutes tes terreurs.
Hurle, cris, déchire ta peau
Comme j’ai déchiré la mienne
Pour en faire cette armure.
Pleure et pleure encore.
De toutes ces choses que tu ne seras jamais.
Plonge toi dans le noir.
Oublie tes rêves et tes passions
Et grandis.
Grandis encore.
N’oublie pas de respirer.
N’oublie pas qu’il faut vivre.
Plutôt que de tourner dans des villes sans noms.
Noies tes yeux au fond de ses fleuves de violence.
Fais ce que je t’ordonne.
Toi qui ne seras jamais que ce que l’on te dira.
C’est à s’en taper la tête contre les murs.
À s’en ouvrir le crâne de passions.
Et touche du doigt
Ce désir increvable.
Cette fuite sans fin.
Il n’est de pire impasse que l’infinie.
Arrache toi les cheveux.
Brûle et brille de milles feux.
Deviens éternel.
Et regarde-moi.

Il hurle de tous ses poumons

Regarde-moi.

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