mardi 30 avril 2013

Les aurores

Je sais que la nuit ne vient jamais assez tôt
Que le jour t'épuise de son silence immobile
Qu'il reste, ses serres ancrés dans tes flancs,
Posé sur toi avec tout le poids de ceux que tu as perdus.

Je sais que tu regardes le ciel et qu'il est si blanc que tu as les yeux qui brûlent.
Que tu as beau regarder que tu n'entends rien d'autre
Rien d'autre que son blanc infernal d'infinité.
Je sais que parfois tu cours sans savoir pourquoi
Juste pour t'essouffler et te faire mal à la poitrine
Et que tu finis couché, suffocant contre le trottoir

Je sais que le soir, tu épuises ton corps contre le corps des autres
Que tu jettes ta sueur sur les murs à chacun de tes mouvement de têtes
La musique se vrillant contre toi et toi hurlant, hurlant pour que personne ne t'entende.
Le courage porté entre les dents, dansant, buvant ce qu'il te reste de nuit
Tu poses tes mains le long des autres que tu croises
Espérant qu'ils viendront te rejoindre sur le bord de ta peau
Qu'ils seront filles ou qu'ils seront beaux.
Si enfin l'une se retourne entre tes draps sales
Tu voudrais tant toucher ses seins et qu'elle s'appelle "Léa"

Je sais aussi que le soleil s'acharne toujours dans les dernières heures de la nuit,
Que tu as les jambes qui tremblent quand tu danses sur les ponts,
Que tu finies par maudire les pandardes étoiles qui t'accompagnaient dans ta misère
Alors que le leste et céleste se bat contre les derniers éclats de lune.
Tu te raccroches à ta bouteille telle le dernier ersatz de ta dignité.
Que tu finis par briser comme ce qu'il te reste de beauté.

Je sais que tu te décharnes le cerveau à rêver tellement fort
De partir et de lointain, que tu le tends, tu le tords pour toucher l'horizon
Et maugréer contres les aurores.

Je sais que tu tapes ta tête contre les murs et que cela te fait du bien
Que tu le fais souvent et que parfois les gens te regardent dans le métro
Je sais que tu aimes bien t'engluer jusqu'au caniveau
Que c'est plus facile que d'ouvrir les yeux ici sur tout ces morceaux d'ennuies
Qu'on avale en dilettante pour passer le temps, passer la vie et nos débris.

Je sais que tu voudrais tous les brûler et les regarder souffrir
Tu sais que tu aimerais ça et que tu voudrais le faire
Voir s'effondrer ses immeubles comme des chateaux de sables
Tu vas même y déposer de la dynamite, tous les soirs dans ta tête.

Je sais que tu attends et que tu ne sais plus faire que ça.
Tous les soirs, tous les jours, dans tous les bars, dans tous les corps dans lesquels tu craches.
Dans tous ceux que tu insultes quand tu les croises dans la rue.
Je sais que tu regardes la neige qui n'en fini jamais
Que tu lui dis de mourir quand elle te mord les doigts
D'aller se faire foutre chez les autres, ailleurs et loin.

Mais le ciel ne tombe pas, les arbres ne meurent jamais
Le temps se délite et même le béton disparait.
Les fleurs écloront encore et encore
Sur tes lèvres, dans tes yeux, sur ta langue
Et elles seront cueillis par des dieux et des déesses
Dans chaque jour qu'ils feront

Je sais qu'il faut juste encore fermer les yeux.
Se clore encore un peu.
Les mains sur le ventre et le souffle sage.
Tout cela n'aura jamais assez tard, une fin.

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